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Cueillir des noix au Québec
Lorsque l'on s'intéresse aux arbres, surtout ceux considérés
nobles, que se soit ceux indigènes ou ceux introduits, on arrive à considérer
les noyers, caryers et chênes comme les plus précieux principalement à cause de
la valeur de leur bois. En rapport avec ses essences, l'idée de cueillir des
noix et glands fait partie de notre culture du passé que plusieurs de nos
parents et grands parents pratiquaient, coutume plus ancienne encore transmise
par les colons qui les tenaient des autochtones ou des européens. Bien que
marginal comme support alimentaire, noix et noisettes ont toujours été utilisé
dans des recettes culinaires. Leur grand avantage est qu'ils se conservent
longtemps si on les compare aux autres fruits frais.
Un randonneur-cueilleur qui explore les sites naturels riches
en flore comestible et les parcs publiques où de grands arbres sont accessibles,
nous fait le portrait de ce que serait une fructueuse cueillette de noix à
l’automne. Ceci coïncide avec la saison des pommes, raisins et champignons
comestibles.
Le début des cueillettes
Très souvent sous forme de randonnées récréatives, par
observation, on se rend compte d'une présente richesse végétale toujours
existante sur notre territoire. Cependant bien que les boisés et parcs sont
fréquents, il ne faut pas croire à une abondance évidente d'arbres à noix et
sans avoir déjà localisé des lieux propices antérieurement, le cueilleur
aventureux reviendra bredouille la plus part du temps.
C’est vers la mi-août et jusqu’au début septembre que les
noisettes du coudrier (Corylus cornuta) sont récoltées sur l’arbuste.
Elles sont mûres bien avant qu’elles tombent d’elles-mêmes . À cause de la plus
forte compétition arboricole et arbustive dans le sud et centre du Québec et des
sols souvent trop argileux pour le noisetier, l’espèce est plus abondant en
montagne et particulièrement dans les régions de la Gaspésie et le Lac St-Jean
où de bonnes populations ont été signalées. Là-bas, le déboisement a permis aux
noisetiers, s’ils sont dispersés et semés par les écureuils, de proliférer
profitant de la ‘disponibilité’ des lieux libres et ensoleillés. Plus au sud,
malgré l’abondance des noisettes certaines années, Gaies bleus et charançons du
noisetier (Curculio obtusus) réduisent grandement la qualité des
récoltes.
Le rare noisetier américain (Corylus americana) une
espèce voisine, pourrait se trouver encore à l’extrême sud-ouest près des
frontières ontarienne ou américaine. Son fruit est nettement différent mais de
grosseur semblable qui se récolte cependant vers la mi-septembre. Il s'y
distingue aussi du premier par un colorie automnal rougeâtre. Si on veux être
certain de trouver des individus, il faut se rendre sur l'Île Cornwall en
Ontario, la réserve Akwesasne.
Notre randonneur-cueilleur commence sa route cependant du
centre du Québec en sillonnant le Chemin Du Roi de la vallée du St-Laurent et
doit attendre quelques semaines avant de ramasser au sol les précieuses ‘noix
longues’ des noyers tendres ou cendrés (Juglans cinerea) qu'ils rencontre
près des fermes ou dans les villages, particulièrement à Champlain. Entre-temps,
il garde les noisettes ramassées au Bas de Fleuve dans un sacs avec beaucoup
d’humidité pour permette de ramollir les involucres piquantes qui se détacheront
mieux des noisettes par la suite. Le noyer cendré semble en régression au
Québec* mais demeure l’espèce la plus importante pour l’usage de sa noix à la
consommation. Curieusement on trouve à l'occasion de grands noyers dans les
petites villes ou villages où ils bénéficient d'une meilleur protection contre
les coupes de bois. C’est vers la mi-septembre que ses noix sont disponibles
parfois plus tôt quant les écureuils les jettent prématurément. La chair de la
noix a un goût huileux et doux, surpassant celle du noyer royale ou de Grenoble
(Juglans regia), et contient près de 20 % de protéine. Le noyer tendre se
retrouve encore dans plusieurs régions mais jamais en forte colonie mais plutôt
dispersé et croît où il y a assez de luminosité, indispensable à son
déploiement. La noix allongée est facilement identifiable car elle est couverte
par un brou collant. Les grappes sont de 2 à 4 la plupart du temps. À une
certaine distance, en fin septembre, ces noyers sont plus facilement
identifiables perdant déjà leurs feuilles jaunies. Les noix ne tombent pas tous
en même temps et notre randonneur doit revenir à intervalle et batte de vitesse
les écureuils en présence car il est rare de trouver des noix longues au sol en
octobre.
*Déboisement, maladies fongiques et faible reboisement.
Toujours en fin septembre, la route se poursuit dans la
grande région de Montréal où il y a moins de noyer cendré à cause de
l’urbanisation évidente. Toutefois, en ratissant bien les bords d’îlots
d’érablières, les lieux accidentés où les sols sont riches, l’explorateur de
plus en plus amateur de noix, réussit à trouver des noix de caryer. La région la
plus chaude du Québec du point de vue unités thermiques mais aussi des sols
riches et pas trop acides des basses altitudes, est l’aboutissement de l’aire
nordique de deux essences nucifères précieuses, les caryers à noix douces et à
noix amères (Carya ovata, C. cordiformis). les caryers ovale et amer sont
à l’extrême nord de leurs aires naturels au sud du Québec et sont maintenant
recherchés pour le reboisement noble.
Les caryers ont des similitudes avec les noyers; ils sont
monoïques , les fleurs mâles forme de long chatons en expansion en fin mai-début
juin. En grappe de 2, les noix lisses ont des cavités profondes qui libèrent
difficilement l’amande entière. Les caryers sont par contre tolérants à l’ombre
et tentent à former des peuplements . Le Caryer ovale produit des noix très
douces rappelant celle de la pacane (Carya illinoensis) indigènes aux
sud-est et centre des États-Unis. Décourageante à extraire l’amande enfouit dans
une coquille dure et petite, le cueilleur-amateur décide plutôt de les garder
fraîches pour les semer. Les noix du caryer ovale ont une valeur grandissante
depuis les dernières années répondant à une demande croissante de l’espèce pour
la multiplication d’arbres précieux indigènes. Sans devoir être un expert en
identification d’arbre, notre randonneur à identifié avec facilité le caryer à
noix douces car même à distance, les arbres adultes ont un tronc couvert d’une
écorce d’apparence négligée qui se détache en lambeaux. Quelques rares individus
près de Répentigny , plusieurs à Pointe-aux-Trembles, et plus encore à Pointe du
Buisson. Par contre le caryer amer bien que plus abondant en général et du même
habitat, demande plus d’expertises à l'identification à distance. Ses noix sont
très amères et inutilisables à la consommation mais très valables au reboisement
noble.
Jadis, de grands caryer amers de plus de 30 m colonisaient
une érablière tout près de Joliette, pour cette taille, ces arbres peuvent avoir
eu 200 ans ! Non loin de là, le village de Crabtree possède de bonnes
populations de ces caryers et constituer sûrement la limite nord de l’érablière
à caryers au Québec. Devant cette abondance de noix, bien qu’amères, notre amis
décide d’en ramasser histoire de profiter de l’instant. Il se dit que sûrement
il en sèmera et en donnera à d’autres amateurs. Nous sommes au début octobre et
l’excursion se poursuit de plus belle vers le sud car déjà les nuits sont
froides et les gels au sols peuvent endommager certaines semences comme les
glands de chênes à glands doux qui se récoltent à la même période. Les glands du
chêne à gros fruits (Quercus macrocarpa) n'ont pas trop d'acide tannique
lorsque bien mûr et sont parfois abondant. Ce chêne partage sensiblement le même
type d'habitat que les caryers.
Depuis la fin septembre, notre randonneur à visité quelques
régions surtout forestières et à donné peu d’intérêt aux petites faines des
grands hêtres (Fagus grandifolia) pourtant souvent produites en
abondance. Le hêtre est plus abondant en forêt, il produit également une petite
amande douce parfois en grande abondance vers la fin septembre. C’est l’espèce
la plus négligée de ce domaine en ce qui concerne l’intérêt pour un usage de ses
fruits pourtant doux, huileux et contenant 19 % de protéine ! La petitesse de la
semence reste son principal défaut, il faut que les arbres en produisent en
masse pour faire des récoltes intéressantes. Note: l'espèce semble auto-stérile
lorsque isolée (semence vide à l'intérieur).
Quelques espèces introduites présentes au Québec
Revenant dans la région de Montréal, notre explorateur
ramasse tout ce qui ressemble à des noix. Relativement fréquent sur la grande
Île et sa région, devant les résidences et bords de rues , des marronniers
produisent assez abondamment en cette période de fin septembre. Les marronniers
d’Inde (Aesculus hippocastanum) et de l’Ohio (A. glagra) sont des
espèces ornementales pour leurs floraisons spectaculaires au début juin mais
leurs fruits ne sont pas recommandés à la consommation. Malgré 40% d’amidon et
peu de gras, la teneur en acide tannique peut causer des intoxications parfois
graves lorsque consommé en grande quantité. Toutefois la cuisson améliore leur
comestibilité sans pour autant en faire une noix délectable lorsque cuite, comme
la châtaigne du châtaignier (Castanea). L’ami-randonneur décide d’en
ramasser un peu pour des élèves d’une école qui, gardé jusqu’au printemps au
frigo, seront stratifiés et serviront à leurs expérimentations de germinations
de semences d’arbres. Je recommande de les faire sécher quelque peu avant
l'entreposage au frais sinon elles germent hâtivement.
‘La route des noix’ se poursuit de plus bel vers le sud dans
la région de Oka où quelques noyers noirs (Juglans nigra) ont été
identifiés par l’ami. le noyer noir se fait de plus en plus fréquent. Ce grand
arbre précieux mis en valeur par les anglo-saxon, nous vient surtout du Sud de
l’Ontario et de l’Est des États-Unis. Ses grosses noix rondes tombent au début
octobre. Les brous épais ont jaunis ce qui révèle un bon indice de l’état de
mûrissement de l’amande. Le randonneur-averti utilise de bons gants de
caoutchouc et des bottes qu’il se sert pour enlever sur place, en les frottant
au sol, les brous qui s’y détachent. Le volume est réduit de moitié de cette
façon. Il remarque de petits vers blancs qui envahissent les brous. C'est
indésirables ne cause toutefois pas de dommage aux amandes.
Par curiosité mais aussi par recommandation, il casse
quelques noix pour examiner la qualité de l’amande qui doit être blanche et bien
formée. Lorsque ainsi fraîche, elles ont peu de goût bien que plus digestives
mais une fois séchées, leur goût deviendra épicé et unique au noyer noir. Voilà
pourquoi nos voisin du sud en font un bon usage dans diverses recettes de crème
glacée et confiseries. Sans mesurer le temps, la distance et la fatigue, la
route des noix l’amène jusqu’à Prescot dans l’est de l’Ontario après avoir
sillonné la vielle route. Dans cette petite ville, il y a beaucoup plus de
grands noyers noirs qui ont été plantés auprès des résidences. Ils semblent
produire encore mieux bien que peu de gens en ramassent, très probablement à
cause des brous qui contiennent le juglon qui tache et de la dureté des noix à
les ouvrir.
D’autres noyers
: Plus rare encore dans l’environnement que
le noyer noir qui monte en popularité, quelques autres espèces de noyers
rustiques peuvent être identifiées à tort comme noyer cendré à cause de
certaines ressemblances. Le noyer de Mandchourie (J. manshurica) et le
noyer hybride (J. cinerea x J.ailantifolia) ont été observés ici et là ,
isolés comme arbres ornementaux. Leur noix sont le plus souvent dures et
allongées comme le noyer cendré bien que le noyer hybride montre des variances
de forme de noix dans un brou plus épais, non collant qui se détache mieux selon
la rugosité de la noix. Tandis que le noyer de Mandchourie possède une noix
beaucoup moins rugueuse. Un autre, le noyer des Carpates (Juglans regia
var.Carpathian), provient des noix rapportées d'Europe depuis 1932 à Toronto
par le révérant Paul C. Crath, à été planté d’une façon sporadique et peut se
trouver encore sur notre territoire. C’est une espèce de noyer de Grenoble qui à
une certaine difficulté à atteindre une taille respectable dû au froid hivernal
qui lui cause de sévères gelures. Lorsque l’arbre est sain, il arrive à produire
des noix viables.
Motivé et grâce à un casse-noix robuste conçu pour les noix
dures, le randonneur-cueilleur à ramassé un grande quantité de noix de noyer
noir dans le but de les consommer. IL remarque que les noix d'un arbre à l'autre
diffèrent de grosseur. Bien nettoyées en premier, puis séchées dans un endroit
chaud et sec pendant un mois, les noix seront dégustées pour les fêtes. Il en
garde un peu, comme semences fraîches et pense à quelques amis qui ont de grands
espaces adéquats pour l’espèce. Les noix des noyers cendrés seront séchées de la
même façon mais avec leurs brous qui s’enlèveront en s’effritant une fois secs
avant le cassage.
Des tonnes de noix
Bien que réputé avec raison pour la culture de la pomme, la
région de Rougemont - St-Paul d'Abbotsford possède plusieurs noyers de bonne
taille qui produisent abondamment certaines années. Deux immenses spécimens plus
que centenaire à St-Paul d'Abbostford (Juglans cinerea x J. ailantifolia)
ont produit une quantité phénoménale de noix. Avec le temps, des semis ont
émergés naturellement aux alentours. Plusieurs autres noyers de même type
localisés à St-Césaire et Rougemont semblent appartenir à la même origine. Un
petit verger initier par Laurent Brodeur (à Barbue de St-Césaire) en 1977 à
partir des noix régionales ont donné des noyers dont les fruits sont soit gros
et rugueux ou soit petits, ronds et lisses. M. Brodeur, bien que décédé en 2004,
son frère Jean-Marie continue la cueillette de noix de tous les noyers
environnent et amasse en moyenne 10 gros sacs (20 kg) par année, les meilleures
années seront le double. Ayant commencé jeune garçon initié par son père, il est
maintenant âgé de près de 80 ans, Jean Marie et son frère Laurent à eux seuls
ont récolté puis nettoyé et cassé des tonnes de noix par passion de les
consommer et de les offrir à leurs proches. Voici le meilleur exemple au Québec
d'une réalité tangible et peu connue que 2 hommes ont réalisée en dépit de
l'indifférence des gens à leur égard ou la valeur de cette ressource disponible.
Bravo ! à plus de 60 ans de récolte de noix.
Faire de bon semis
Dans cette optique, on doit considérer les noix fraîches
comme des semences. Toutes les noix citées ici ne demandent aucun traitement
particulier mais seulement une période de froid de plusieurs mois que l’on
appelle la stratification (ce qui permettra la formation de l’embryon).
Comme notre pèlerin rentre chez lui avec beaucoup de noix mais doit s’occuper de
d’autres urgences dans l’immédiat, Il garde tous ses sacs identifiés dans une
remise à l’écart des variations de chaleur et gel sévère. Il prend bien soin
qu’aucun écureuils et tamias entreront non plus. Pour les semis
d’automne, les noix des noyers et caryers qu’il décide de semer sont nettoyées
quelque peu, pour le plus possible, éviter certaines larves présentes dans les
brous de s’établir dans le nouveau milieu. Ces brous n’empêcheront pas toutefois
la germination des noix. Les noix seront sur le plat pour permette au germe de
sortir aisément sur le côté et à peine à 2-3 cm de profondeur. Un épais paillis
de copeaux est cependant ajouté comme protection hivernale et sera étendu au
printemps. Finalement un tuteur identifie le lieu et le semis.
Comme la majeure partie des noix pour semer n’ont pas encore
une vocation définitive, le jardinier opte pour la méthode suivante :
Pour garder avec assurance les semences contre les basses
températures, la sécheresse , les rongeurs et afin de ne pas embarrasser son
frigo, chaque variété est enfouit à 30-50 cm de profond dans un endroit
sablonneux si possible et drainé, dans des sacs contenant 50% de sable grossier
humide pour 50% de noix. Les sacs sont identifiés de l’extérieur. Aussitôt le
dégel du printemps, les sacs sont ouverts et aérés et brassés puis gardés encore
un mois jusque en mai. Les semis se feront de la même manière qu’à l’automne.
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