Syrie et crypto : les complications persistantes malgré la levée des sanctions américaines

Syrie et crypto : les complications persistantes malgré la levée des sanctions américaines
Robert Knowles 1 déc. 2025 0 Commentaires Cryptomonnaies

Calculateur de Risques de Transactions Crypto en Syrie

Le 1er juillet 2025, les États-Unis ont levé les sanctions économiques globales contre la Syrie, une décision sans précédent après plus de 20 ans de restrictions. Cela aurait dû ouvrir les portes à une renaissance économique, y compris pour les cryptomonnaies. Pourtant, pour les Syriens qui veulent utiliser Bitcoin ou Ethereum, la réalité est bien plus compliquée. La levée des sanctions n’a pas créé un terrain libre. Elle a créé un chaos réglementaire.

Les sanctions ont été levées… mais pas tout

Le 30 juin 2025, le président Donald Trump a signé un décret ordonnant la fin des sanctions économiques contre la Syrie. Le 26 août, le Département du Trésor a officiellement supprimé les Syrian Sanctions Regulations du Code of Federal Regulations. Cela signifiait que les banques américaines pouvaient désormais établir des relations bancaires avec la Banque centrale de Syrie. Les entreprises pouvaient exporter des biens de base. Les Syriens pouvaient enfin accéder aux plateformes internationales comme Binance sans crainte de violation des sanctions.

Mais tout n’a pas disparu. 139 personnes et entités liées à l’ancien régime d’Assad restent sur la liste des sanctions du Trésor américain, désignées sous d’autres décrets, comme l’E.O. 13894. Ce n’est pas une liste de 139 noms. C’est une liste de comptes bancaires, d’adresses de portefeuilles, de noms d’entreprises, de noms d’associés. Et chaque transaction crypto qui passe par une plateforme américaine ou utilisant des banques américaines doit être vérifiée contre cette liste. Même si vous êtes un simple citoyen syrien, si votre nom ressemble à celui d’un ancien fonctionnaire bloqué, votre compte peut être gelé.

Binance est accessible, mais avec des chaînes

Depuis juillet 2025, les Syriens peuvent créer un compte sur Binance. Ils peuvent acheter du Bitcoin, envoyer de l’Ethereum, trader des altcoins. Mais ce n’est pas comme en France ou au Canada. L’inscription prend entre 10 et 14 jours. Les utilisateurs doivent fournir une pièce d’identité, une preuve de résidence, et parfois un certificat de non-inscription sur une liste de sanctions - un document que le gouvernement syrien ne délivre pas.

Selon des rapports sur Reddit (r/CryptoSyria, septembre 2025), les limites de transaction sont souvent réduites à 500 $ par jour. Les retraits en fiat sont bloqués pour la plupart des utilisateurs, car seules trois des douze grandes banques syriennes ont des liens avec des processeurs de paiement internationaux. Les autres transactions sont rejetées sans explication. Un utilisateur sur trois signale que son compte a été gelé pendant une semaine pour « vérification supplémentaire » - sans jamais savoir pourquoi.

Les avis sur Trustpilot pour Binance depuis des adresses IP syriennes affichent une note moyenne de 2,8/5. 63 % des critiques négatives mentionnent « vérifications excessives » et « restrictions soudaines ». Ce n’est pas une mauvaise expérience. C’est une expérience de survie.

Le problème n’est pas la technologie… c’est la banque

Les Syriens n’ont pas besoin de plus de technologie. Ils ont besoin de banques. Mais les banques internationales ont peur. Même si les sanctions sont levées, les risques juridiques restent élevés. Une transaction qui passe par un portefeuille lié à une entité désignée peut entraîner des amendes de plusieurs millions de dollars pour une banque européenne ou américaine.

Selon Lightspark (2025), 78 % des tentatives de paiement impliquant des contreparties syriennes subissent des vérifications supplémentaires. Cela ajoute en moyenne 47 heures de délai. Pour un commerçant qui doit payer ses fournisseurs, ce délai peut signifier la faillite. Pour un réfugié qui envoie de l’argent à sa famille, cela peut signifier un repas en moins.

Les banques syriennes elles-mêmes ne sont pas prêtes. Elles n’ont pas de systèmes de surveillance des transactions crypto. Elles ne savent pas comment détecter un portefeuille lié à un ancien membre du régime. Elles n’ont pas de logiciels de filtrage des sanctions. Elles ne peuvent pas répondre aux exigences de « reporting audit-ready » du Trésor américain.

Machine Binance surcomplexifiée avec des restrictions absurdes, un utilisateur syrien essayant d'y accéder.

Un vide réglementaire total

La Syrie n’a pas de loi sur les cryptomonnaies. Pas de régulateur. Pas de licence. Pas de cadre légal pour les échanges, les miniers, les fournisseurs de portefeuilles. Ce n’est pas comme l’Iran, qui a créé un système national de crypto. Ce n’est pas comme le Venezuela, avec son Petro. Ce n’est même pas comme la Tunisie ou le Liban, où les autorités ont au moins émis des avertissements.

C’est un vide. Et dans ce vide, tout est possible - mais aussi tout est dangereux. Un Syrien peut acheter du Bitcoin. Mais s’il le vend à quelqu’un qui est sur une liste de sanctions, même sans le savoir, il peut être considéré comme complice. Une entreprise locale qui accepte les paiements en crypto peut se retrouver bloquée par une banque étrangère, sans possibilité de recours.

Les plateformes comme Binance ne peuvent pas assumer ce risque. Elles ne veulent pas être accusées de faciliter des transactions avec des personnes désignées. Alors elles bloquent tout. Elles imposent des vérifications plus strictes que dans les pays en guerre. Elles traitent les Syriens comme des risques, pas comme des clients.

Les contournements… et leurs dangers

Les Syriens ont trouvé des solutions. Beaucoup utilisent des transactions peer-to-peer via Telegram ou WhatsApp. Ils vendent des crypto à des intermédiaires au Liban ou en Jordanie, qui les convertissent en espèces et les transfèrent en Syrie. Certains utilisent des portefeuilles non-custodiaux comme MetaMask pour éviter les restrictions des exchanges.

Mais ces méthodes sont risquées. Selon une enquête informelle sur Reddit, 22 % des utilisateurs ont perdu des fonds dans ces transactions. Des escrocs se font passer pour des acheteurs. Des intermédiaires disparaissent avec les bitcoins. Il n’y a pas de recours juridique. Pas de police. Pas de tribunal.

Ces contournements ne sont pas une solution. Ce sont des compromis. Des survies. Et elles ne peuvent pas soutenir une économie.

Marché crypto souterrain en Syrie avec des échanges risqués via WhatsApp et une main fantôme de fraude.

Et maintenant ?

Le gouvernement syrien, dirigé par Ahmed al-Sharaa, n’a pas encore annoncé de stratégie pour les cryptomonnaies. Il n’a pas créé de régulateur. Il n’a pas demandé d’aide internationale pour construire un cadre légal. Il n’a pas parlé de blockchain pour les paiements de l’État, ni de crypto pour les aides humanitaires.

Les États-Unis, eux, ont donné un délai de 180 jours pour observer les progrès du nouveau gouvernement. Si la Syrie ne met pas en place des mesures anti-blanchiment, si elle ne démontre pas qu’elle peut contrôler les flux financiers, les sanctions pourraient revenir.

Chainalysis estime que 1,2 million de Syriens - 6 % de la population - ont utilisé des cryptomonnaies depuis juillet 2025. La plupart pour des envois d’argent. Un petit nombre pour le commerce. Ce n’est pas encore un marché. C’est un besoin.

Le vrai problème n’est pas la technologie. Ce n’est pas même les sanctions. C’est l’absence totale de confiance. Les banques ne font pas confiance aux Syriens. Les Syriens ne font pas confiance aux banques. Les plateformes ne font pas confiance au gouvernement. Et le gouvernement ne fait pas confiance à personne.

Le futur dépend d’une seule chose : la clarté

Sans loi, sans régulateur, sans système de vérification, les cryptomonnaies en Syrie resteront un outil de survie, pas un moteur de croissance. Pour que cela change, il faut :

  • Une loi nationale sur les cryptomonnaies, claire et simple
  • Un organisme de régulation capable de vérifier les portefeuilles et les transactions
  • Des accords avec les banques internationales pour faciliter les conversions fiat-crypto
  • Des campagnes d’éducation pour les citoyens et les commerçants
Sans cela, les Syriens continueront à utiliser Bitcoin… mais dans l’ombre. Et les seuls à en profiter, ce seront les escrocs, les intermédiaires et les réseaux criminels.

La levée des sanctions était une chance. Mais une chance sans structure est une illusion.