Réglementation des cryptomonnaies privées : restrictions sur Monero et Zcash

Réglementation des cryptomonnaies privées : restrictions sur Monero et Zcash
Robert Knowles 13 déc. 2024 0 Commentaires Cryptomonnaies

Les cryptomonnaies privées suscitent un véritable débat : d’un côté, elles offrent une confidentialité quasi‑totale, de l’autre, les autorités craignent qu’elles deviennent des vecteurs de blanchiment d’argent et de financement illicite. Depuis 2024, la pression réglementaire n’a cessé de croître, et 2025 marque un tournant majeur, notamment pour deux acteurs phares du secteur - Monero (XMR) et Zcash (ZEC). Décortiquons ensemble les règles qui s’appliquent à ces monnaies, leurs impacts concrets et les pistes d’évolution.

Architecture technique : pourquoi la confidentialité diffère

Monero est une cryptomonnaie où la vie privée est obligatoire. Chaque transaction utilise des signatures en anneau (ring signatures), des adresses furtives et le protocole RingCT (Ring Confidential Transactions) pour masquer le montant, l’émetteur et le destinataire. Aucun utilisateur ne peut envoyer une transaction « publique » par erreur.

En revanche, Zcash adopte une approche optionnelle. Grâce aux preuves zk‑SNARKs (Zero‑Knowledge Succinct Non‑Interactive Arguments of Knowledge), les détenteurs peuvent choisir entre des transactions “transparentes” (similaires à Bitcoin) et des transactions “shielded” totalement confidentielles. Cette souplesse crée un double calendrier réglementaire, car les gouvernements peuvent viser les adresses transparentes comme points d’entrée pour le contrôle.

Le cadre réglementaire mondial

Le FATF (Financial Action Task Force) a étendu la règle du « Travel Rule » aux cryptomonnaies privées dès 2025, obligeant les plateformes à collecter et transmettre les informations d’expédition pour 57 % des transactions concernées. En Europe, le texte MiCA (Markets in Crypto‑Assets) impose la transparence et interdit, en pratique, les tokens dont l’anonymat empêche l’identification des contre‑parties. Cette norme a entraîné une réduction de 22 % des offres de cryptomonnaies privées sur les places de marché réglementées.

Des pays comme les États‑Unis envisagent même de classer les tokens de confidentialité comme des « Anonymity‑Enhanced Cryptocurrencies » (AEC) soumises à des exigences de reporting supplémentaires. En Asie, la Chine continue d’interdire les plateformes d’échange de toute cryptomonnaie, tandis que Singapour et la Suisse créent des sandbox réglementés où les projets de confidentialité peuvent tester des solutions hybrides sous surveillance.

Impact sur les échanges et les utilisateurs

Les géants du trading, Binance et Kraken, ont retiré Monero et Zcash de leurs listes en 2025, déclenchant une hausse de 19 % des échanges pair‑à‑pair (P2P) dans les régions économiquement instables. Les utilisateurs qui souhaitent garder l’anonymat se tournent alors vers des plateformes non régulées, augmentant les risques de fraude et de vol. Du côté des développeurs, 74 % déclarent que les exigences FATF constituent le principal obstacle à l’innovation.

Pour Zcash, le taux d’adoption des transactions blindées a chuté à 8 % en raison des contrôles KYC stricts imposés par les exchanges. Moins de transactions blindées signifie un « anonymity set » plus restreint, rendant chaque transaction blindée plus facile à repérer. Monero, avec son anonymat systématique, conserve un plus grand volume de transactions privées, mais subit quand même des pressions de delisting sur les marchés régulés.

Exchanges retirant Monero et Zcash, hausse du P2P

Comparaison des restrictions et des réponses des projets

Monero vs Zcash - contraintes réglementaires et réponses techniques
Aspect Monero (XMR) Zcash (ZEC)
Confidentialité Obligatoire - ring signatures, stealth addresses, RingCT Optionnelle - transactions transparentes vs shielded (zk‑SNARKs)
Conformité FATF Très difficile - aucune transaction publique pour le reporting Possibilité de reporter via transactions transparentes
Impact MiCA Limitations fortes, risque de bannissement des listings Moins affecté grâce aux options publiques
Délistage d’échanges majeurs (2025) Binance, Kraken, Coinbase (partial) Binance, Kraken, Bitstamp (full)
Adoption utilisateur ~75 % des transactions sont privées ~8 % de transactions shielded, majorité transparente
Solutions hybrides envisagées Recherche de preuves à divulgation sélective Développement de zk‑SNARKs compatibles AML

Ce tableau montre clairement que, même si les deux projets offrent des outils cryptographiques avancés, leurs architectures influencent directement la façon dont les régulateurs les traitent. Zcash bénéficie d’une marge de manœuvre grâce à son option « transparent », tandis que Monero doit contourner les exigences par des innovations de divulgation sélective.

Vers des solutions hybrides : concilier confidentialité et conformité

Plusieurs initiatives tentent de réconcilier les deux exigences. Des chercheurs travaillent sur des variantes de zk‑SNARKs permettant une vérification de conformité sans révéler les données transactionnelles complètes - les appelés « zero‑knowledge AML ». Parallèlement, Monero explore des signatures de type « ring‑confidential with proof of compliance », qui pourraient fournir aux autorités une preuve cryptographique que la transaction ne finance pas d’activité illicite, tout en restant opaque aux observateurs externes.

Ces approches sont lourdes sur le plan computationnel : les preuves augmentent de 3 à 5 fois le temps de traitement et demandent davantage de stockage. Les plateformes qui souhaitent les implémenter devront donc investir dans des infrastructures spécialisées, ce qui explique le retard de l’adoption massive jusqu’à présent.

Laboratoire testant des solutions hybrides de confidentialité conforme

Quel avenir pour les cryptomonnaies privées ?

Les prévisions restent partagées. D’un côté, les investisseurs institutionnels attendent des cadres clairs avant de toucher aux actifs anonymes. D’un autre, les développeurs continuent de pousser les limites cryptographiques, convaincus que la confidentialité restera une valeur fondamentale du Web décentralisé. Les juridictions favorables comme la Suisse ou Singapour pourraient devenir des hubs de recherche et de test, offrant un terrain d’essai sécurisé aux projets qui souhaitent conjuguer conformité et anonymat.

En pratique, les utilisateurs devront baliser leurs stratégies : choisir des plateformes régulées avec des options de conversion vers des monnaies plus transparentes, ou se tourner vers des exchanges P2P en acceptant les risques supplémentaires. Suivre les mises à jour du FATF et de MiCA sera crucial pour anticiper les prochains tournants.

FAQ - Questions fréquentes

Monero peut‑il être utilisé légalement en Europe ?

Oui, mais uniquement via des services qui respectent le cadre MiCA et qui collectent les informations requises sur les contre‑parties. La plupart des grandes plateformes ont retiré Monero de leurs listes, donc la plupart des utilisateurs passent par des solutions P2P ou des exchanges non‑régulés.

Zcash offre vraiment une confidentialité si la plupart des transactions sont transparentes ?

La confidentialité de Zcash existe, mais son efficacité dépend du nombre d’utilisateurs qui choisissent les transactions « shielded ». Un faible taux d’utilisation réduit l’anonymat de chaque transaction, ce qui rend possible le profiling par les autorités.

Quelles sont les alternatives viables aux cryptomonnaies privées face à la réglementation ?

Les solutions hybrides basées sur les preuves à divulgation sélective ou les « compliant‑zero‑knowledge » offrent un compromis. D’autres projets comme Firo ou Beam explorent des protocoles similaires, mais tous restent sous le radar des régulateurs.

Comment vérifier si une plateforme accepte encore Monero ou Zcash ?

Consultez les listes officielles d’échanges, vérifiez les annonces de delisting, ou utilisez des agrégateurs comme CoinGecko qui indiquent la disponibilité par pays et par plateforme.

Les règles FATF affectent‑elles les transactions P2P ?

Indirectement, oui. Les fournisseurs de services de paiement qui facilitent les P2P doivent se conformer aux exigences de reporting, ce qui peut limiter les intermédiaires capables de supporter les cryptomonnaies privées sans révéler les identités.